Désorceler,
ethnologie d'une thérapie
entre le "je" et le "nous".
Dans son dernier ouvrage (Désorceler), l'ethnologue Jeanne Favret Saada tire les conclusions de son travail sur la Sorcellerie dans le Bocage Normand.
Citations extraites de "Désorceler":
"…L'ensemble de ces actions équivaut à une thérapie du collectif familial des exploitants d'une ferme, un procès de changement psychique étalé sur plusieurs mois. L'examen du travail de Madame Flora, une voyante-désorceleuse dont j'ai été la cliente et le témoin pendant deux ans, montrera comment ce changement est amené grâce à une technique de cartomancie qu'elle a inventée à cet effet.
… Ce qui frappe tout de suite, quand on assiste aux séances, c'est leur caractère prodigieusement énergétique. Les ensorcelés arrivent confus, déprimés, abouliques. Dès la première séance, ils relèvent la tête. Bien que Madame Flora « voie dans le jeu» quantité de catastrophes (…), les consultants paraissent soulagés d'un grand poids : « Maintenant, on sait où on en est ! » disent-ils en sortant. Dès la troisième rencontre, ils sont remarquablement toniques. Ils attendent leur séance avec impatience, la vivent avec passion et en repartent avec l'impression que leur vie est un roman ou un téléfilm. Comment la désorceleuse s'y prend-elle pour les dynamiser ainsi, en s'aidant simplement de jeux de cartes et de son verbe?
…Dans une cure psychique, le travail du thérapeute consiste, pour l'essentiel, à envelopper, de façon graduelle et imperceptible, le mal de vivre dont le consultant vient se plaindre, dans une formation mentale qui ne soit ni assurément imaginaire, ni tout à fait réaliste: il faut et il suffit qu'elle soit plausible. Ainsi le thérapeute ouvre-t-il un espace de jeu, un espace mi-fictif mi réel, où le trop de réalité du malaise et sa fixité vont commencer à se dissoudre. Les modalités particulières du mal de vivre, le genre du thérapeute, la nature de la formation mentale,... Il revient précisément à l'ethnologie de les décrire et de les comparer."
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